Fransa'nın haftalık haber dergilerinden Marianne'nin 28 Eylül 2018 tarihli sayısında Flormar Direnişi'ne ayrıntılı bir şekilde yer verildi.
Fransa'nın etkili haber dergilerinden biri olan ve haftalık yaklaşık 150 bin basılan Paris Merkezli Marianne Dergisi'nin son sayısında Julie Honoré imzalı Flormar Direnişi'ni aktaran bir makale yayınlandı. Serbest Gazeteci Julie Honoré'nin sendikalaştıkları için işten atılan ve direnişe başlayan Flormar işçilerini ziyaret ederek yaptığı haberde, direnişçi işçilerin gözünden Flormar mücadelesi Fransız kamuoyuna anlatılmış oldu.
Direnişe dair genel bilgilendirmenin ardından, direnişçi işçilerle yapılan röportajların da yer aldığı Fransızca metin aşağıdaki gibi dergide yer almıştır. Linkten haberin sayfasına da ulaşılabilir.
https://www.marianne.net/monde/turquie-le-combat-de-127-salaries-vires-p...
Flormar : les révoltées inattendues de Turquie
Depuis plus de quatre mois, les employé·es de l’usine Flormar - en grande majorité des femmes - ont installé un piquet de grève devant leur usine, en Turquie. Un tiers des effectifs (127 personnes) a été renvoyé après avoir voulu intégrer un syndicat. Et la marque a beau être détenue par le groupe Yves Rocher, le droit des travailleurs n’y est pas pour autant respecté.
C’est la pause déjeuner. Malgré le froid qui s’est abattu sur le nord de la Turquie, certains salariés sont sortis profiter de l’air frais pour avaler leur sandwich. On les aperçoit au gré des allées et venues des camions de livraison, quand l’immense porte noire de l’usine Flormar, une usine de cosmétiques, s’ouvre pour les laisser passer. Difficile de délivrer des messages : pénétrer dans l’enceinte de l’usine est rigoureusement interdit. Mais Sultan Kiliç a trouvé la solution. Elle s’allonge pratiquement par terre et salue ses anciens collègues par un interstice, en bas de la porte, qui lui permet d’apercevoir quelques visages connus. Il y a quelques mois, elle la franchissait tous les jours. Mais, licenciée le 16 mai dernier, elle est désormais persona non-grata.
Comme Sultan Kiliç, 127 personnes ont été renvoyées de l’usine Flormar, de Gebze, à une soixantaine de kilomètres d’Istanbul, depuis le début de l’année. Soit un tiers des effectifs. Les motifs sont divers, mais c’est surtout l’un d’eux qui est servi en prétexte : “on les a accusé d’avoir participé à une manifestation illégale”, dénonce Şivan Kırmızıçiçek, le vice-président à Gebze de Petrol-Iş, le syndicat en question. En résumé : avoir applaudi une manifestation aux portes de l’usine, le 15 mai dernier. Ce jour-là, soixante salariés ont été mis à la porte d’un coup, sans indemnité. “Une prime de 500 TL (environ 71 euros ndlr) a été en plus versée à ceux qui ne se syndiquaient pas. Ca fait onze ans que je bosse ici, on ne m’a jamais proposé une telle somme ! plaisante Ayse Oztürk, une des ex-employées. Ce jour-là, nous étions dans une salle à l’intérieur de l’usine et la police anti-émeute nous empêchait de sortir. Puis nous avons été licenciées.” Et surtout, impossible de rencontrer des employés aux alentours de l’usine. “On va dans des cafés autour de Gebze, indique Şivan Kırmızıçiçek. On sait par exemple qu’ils ont dû embaucher des intérimaires pour maintenir la cadence dans l’usine.”
La crise a commencé en janvier dernier, quand le syndicat Petrol-Iş a lancé une campagne d’adhésion, dans cette usine, vierge de toute représentation. “Depuis quatorze ans que je travaille ici, les salaires n’ont jamais augmenté, précise Nurhan Güler, responsable du poste “mascara”. Et les conditions de travail sont très difficiles. Par exemple, un simple masque en papier nous protège quand on travaille sur les fards à joue. Mais la poudre est dangereuse et s’infiltre partout. Le masque est totalement insuffisant ! C’est pour ça qu’on a voulu se syndiquer.” “Notre salaire est très bas, les conditions de travail sont dures, renchérit Sultan Kiliç, voile bleu fluo sur la tête et polaire rouge vif, qui émargeait à 1600 TL par mois (230€ ndlr). On doit faire 10 heures par jour, mais on faisait régulièrement des heures supplémentaires et on se retrouvait 12 heures consécutives sur les postes de travail. C’est pour ça qu’on a voulu se syndiquer.”
Mais les responsables, mis au courant de l’opération, n’apprécient guère l’initiative. Pressions, intimidations… Et finalement, renvoi. “on m’a même dit que ça aurait des répercussions sur ma famille”, pointe Sultan Kiliç. Licenciés du jour au lendemain, les employés - 80 à 90% de femmes - ont décidé de ne pas se laisser faire et installé, avec l’aide du syndicat, un piquet de grève devant l’usine. La police est présente chaque jour et a déjà supprimé les pancartes de revendication. “Mais on est déterminés. Ce sont eux qui ont peur de nous”, lance Sultan Kiliç, en désignant les caméras, panneaux occultants et barbelés installés à la suite de leur mouvement par les responsables de l’usine.
Si leur sort fait du bruit, c’est aussi parce que leur entreprise est détenue à 51% par le groupe Rocher. Un groupe français, qui souligne le “développement responsable” et le travail dans un “climat sain et inspirant” de sa firme et met même en avant un premier prix “Respect des employés” remis par un panel d’étudiants. Une délégation turque, venue à Paris la semaine dernière n’a pour l’instant pas donné de résultats concret. “Yves Rocher ne peut pas faire comme s’il n’étaient pas au courant, précise Lionel Martino, de la FCE-CFDT, qui soutient le mouvement en France. Nous les tenons informés depuis le début”. Chaque vendredi, un comité de soutien organise également une protestation devant un des magasins de l’enseigne, en Ile-de-France, avec distribution de tracts et signature de pétition.
Interrogée par Mediapart sur une éventuelle réintégration des ouvriers licenciés, Flormar souligne que les renvois ont été motivés par “différentes causes” dont l’implication de certains personnels dans des “activités illégales”. La firme regrette d’ailleurs qu’il aient été “présentés au public de manière déformée comme des licenciements abusifs (...) Nous avons été confrontés à un arrêt de travail, à une occupation de l’espace de travail, à un blocage de la production, à une incitation des employés à commettre des actes illégaux et même à des actes de violence, en contravention avec le droit du travail turc”.
Pour beaucoup de ces travailleurs, c’est la première action syndicale. Et même un éveil politique. “Je ne voterai plus désormais, soupire Sultan Kiliç. Je ne fais plus confiance à l’Etat. Il est du côté des patrons”. Elles sont soutenues par des dizaines d’organisations féministes et politiques, qui ont appelé au boycott des produits Flormar et Yves Rocher. Leur combat fait écho au sort de travailleurs turcs, comme celui des ouvriers du 3e aéroport d’Istanbul, où plus de 500 travailleurs du chantier ont été arrêtés pour avoir protesté il y a deux semaines. “On se soutient sur les réseaux sociaux, confirme Nurhan Güler. Peut-être parce qu’on est des femmes, on est des cibles plus faciles. Dans mon département par exemple, on doit déplacer des gros bidons, mais impossible de le faire toutes seules, on est obligées de s’y mettre à deux.”
Et à Gebze, peu importe si l’hiver commence à refroidir les corps. “On restera là. Jusqu’à ce qu’on retrouve nos emplois, affirme Sultant Kiliç. Et qu’on nous autorise à intégrer un syndicat”. Elle empare la main d’une de ses collègues et se met à danser devant l’usine. Pendant 30 minutes, les hauts-parleurs vont cracher de la musique et des cris de révolte.”On veut montrer à nos collègues qu’on reste là”.
Julie Honoré